Propriétés/EffetsGroupe pharmacothérapeutique: ophtalmologiques, autres médicaments ophtalmologiques
Code ATC: S01XA25.
Mécanisme d'action
Le lifitegrast cible spécifiquement l'interaction entre l'antigène 1 associé à la fonction lymphocytaire (LFA-1), une protéine présente à la surface des leucocytes, et son ligand, la molécule d'adhésion intercellulaire de type 1 (ICAM-1). LFA-1 est un hétérodimère de la famille des intégrines impliqué dans les interactions cellule-cellule qui sont capitales pour les réactions immunes et inflammatoires. Elle est exprimée uniquement sur les leucocytes (neutrophiles, éosinophiles, basophiles, monocytes, lymphocytes T et B) où elle agit comme récepteur d'adhésion important et molécule de signalisation. L'ICAM-1, qui fait partie de la superfamille des immunoglobulines, est en général faiblement exprimée sur les leucocytes, les cellules endothéliales et les cellules épithéliales. Son niveau d'expression peut augmenter fortement en réponse à la production de cytokines inflammatoires. Parmi les immunoglobulines ICAM, l'ICAM-1 est le principal ligand de LFA-1. Il est intéressant de noter qu'on a retrouvé sur des biopsies conjonctivales de patients atteints de sécheresse oculaire une surexpression d'ICAM-1 par rapport aux contrôles normaux.
Des études ont mis en évidence le rôle déterminant des cellules T dans le développement de la sécheresse oculaire. On a pu démontrer l'importance de l'interaction entre l'ICAM-1 et le LFA-1 pour plusieurs fonctions immunitaires T-dépendantes, telles que l'adhésion des lymphocytes T aux cellules endothéliales et épithéliales, le recrutement et la motilité des cellules T, la prolifération cellulaire et la libération de cytokines inflammatoires. L'interaction entre l'ICAM-1 et le LFA-1 contribue à la formation d'une synapse immunologique entre les cellules T et les cellules présentatrices d'antigènes telles que les cellules dendritiques, entraînant l'activation des cellules T et la sécrétion de cytokines qui entretiennent le processus inflammatoire oculaire, une composante importante de la physiopathologie de la sécheresse oculaire.
Des études in vitro sur une lignée cellulaire humaine T ont démontré que le lifitegrast inhibe l'adhésion des lymphocytes T à l'ICAM-1 par son interaction avec le LFA-1. Il inhibe également la sécrétion de cytokines inflammatoires importantes telles que IL-2 et IL-4 et de plusieurs cytokines associées à la sévérité clinique de la sécheresse oculaire (IL-1α, IL 1β, IL-6, IL-10, IFN-γ, MIP-1α). Le mécanisme de liaison du lifitegrast au LFA-1 cible également la liaison des lymphocytes T aux cellules présentatrices d'antigènes au niveau de la synapse immunologique LFA-1/ICAM-1. L'expérience a montré que le lifitegrast causait une réduction significative et dépendante de la concentration de la fréquence de l'interaction entre les cellules dendritiques et les lymphocytes T ainsi qu'une réduction de la prolifération des lymphocytes T. Cela suggère que le lifitegrast module la formation de la synapse immunologique et est peut-être capable de perturber la synapse immunologique existant. Dans un modèle murin expérimental d'inflammation cornéenne, il a en outre été montré que l'application oculaire topique de lifitegrast (≥0,1%) réduisait l'infiltration des neutrophiles dans le stroma cornéen.
Pharmacodynamie
Aucune étude sur les effets pharmacodynamiques n'a été réalisée chez l'être humain.
Efficacité et sécurité cliniques
Les effets du traitement par le lifitegrast sur les signes et/ou les symptômes de la sécheresse oculaire ont été évalués chez 2'247 sujets au total au cours de quatre études de 12 semaines, multicentriques, contrôlées contre le véhicule seul, randomisées et menées en double aveugle. Dans toutes les études, les sujets ont été randomisés pour recevoir la solution de Xiidra à 5% ou le véhicule seul selon un rapport de 1:1 de la manière suivante: étude 1: n = 58, 58; étude 2: n = 293, 295; étude 3: n = 358, 360; étude 4: n = 355, 356. L'étude 1 comprenait également deux autres dosages plus faibles de lifitegrast. Les sujets ont été randomisés dans la même proportion dans les quatre bras. Ces études n'autorisaient pas l'utilisation topique concomitante de médicaments ophtalmologiques tels que des substituts lacrymaux, corticoïdes et antihistaminiques.
La majorité des sujets étaient âgés de 55 ans et plus (68%), de race blanche (85%) et de sexe féminin (76%). Malgré le faible nombre de sujets répartis dans les différentes catégories de sous-groupes, il ne semblait pas exister de différences apparentes dans la réponse au traitement par Xiidra en fonction de l'âge, du sexe et de l'origine ethnique.
Dans toutes les études, les sujets avaient des antécédents de sécheresse oculaire bilatérale à l'inclusion. Tous les participants aux études 3 et 4 avaient fait usage de substituts lacrymaux. Seules les études 1 et 2 ont recouru à un modèle d'environnement défavorable contrôlé pour la sélection. Les critères d'inclusion comprenaient indices de sévérité préthérapeutique pour les signes minimaux évalués au moyen d'un test de coloration de la cornée à la fluorescéine (CFS: Corneal Fluorescein Staining) et du test de Schirmer (STT), et de symptômes minimaux selon un score de sécheresse oculaire (EDS - Eye Dryness Score) et un score d'inconfort oculaire (ODS - Ocular Discomfort Score).
Effets sur les symptômes du DED
Le score de sécheresse oculaire (EDS) a été évalué par les patients au moyen d'une échelle visuelle analogique (0 = aucun inconfort, 100 = inconfort maximal) lors de chacune des visites de l'étude. L'EDS préthérapeutique se situait en moyenne entre 40 et 70. Il a été observé dans toutes les études une réduction du EDS plus importante en faveur de Xiidra au 42e et au 84e jour. Une amélioration était perceptible chez la majorité des sujets étudiés au 14e jour (voir le tableau 1).
Tableau 1: Score de sécheresse oculaire - variation moyenne par rapport à la valeur initiale et différence entre les traitements (Xiidra vs. véhicule) lors des études de 12 semaines menées chez des patients souffrant du syndrome de l'œil sec
Etude 1
Visite
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Véhicule (N = 58)
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Xiidra (N = 58)
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Différence [1] (IC 95%)
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Valeur initiale
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51,8 (23,55)
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51,6 (24,69)
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←En faveur de Xiidra
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14e jour
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-3,9 (25,46)
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-8,9 (21,72)
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-5,1 (-13,1, 3,0)
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42e jour
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-7,9 (19,60)
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-17,3 (24,96)
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-9,4 (-17,0, -1,9)
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84e jour
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-7,2 (25,29)
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-14,4 (25,36)
|
-7,3 (-16,1, 1,4)
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Etude 2
Visite
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Véhicule (N = 295)
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Xiidra (N = 293)
|
Différence [1] (IC 95%)
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|
Valeur initiale
|
41,6 (29,69)
|
40,2 (28,64)
|
|
←En faveur de Xiidra
|
14e jour
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-7,5 (29,01)
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-6,7 (27,36)
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0,1 (-3,9, 4,1)
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42e jour
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-9,1 (30,03)
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-12,6 (30,71)
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-4,2 (-8,5, 0,0)
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84e jour
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-11,2 (28,78)
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-15,2 (31,48)
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-4,7 (-8,9, -0,4)
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Etude 3
Visite
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Véhicule (N = 360)
|
Xiidra (N = 358)
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Différence [1] (IC 95%)
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|
Valeur initiale
|
69,2 (16,76)
|
69,7 (16,95)
|
|
←En faveur de Xiidra
|
14e jour
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-13,1 (24,04)
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-19,7 (26,49)
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-6,4 (-10,0, -2,8)
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42e jour
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-18,2 (26,51)
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-28,3 (27,69)
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-9,9 (-13,8, -6,1)
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84e jour
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-22,8 (28,60)
|
-35,3 (28,40)
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-12,3 (-16,4, -8,3)
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Etude 4
Visite
|
Véhicule (N = 356)
|
Xiidra (N = 355)
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Différence [1] (IC 95%)
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|
Valeur initiale
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69,0 (17,08)
|
68,3 (16,88)
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|
←En faveur de Xiidra
|
14e jour
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-14,9 (22,34)
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-22,7 (25,41)
|
-7,9 (-11,4, -4,5)
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42e jour
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-23,7 (25,98)
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-33,0 (27,46)
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-9,6 (-13,4, -5,8)
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84e jour
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-30,5 (28,03)
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-37,7 (28,91)
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-7,5 (-11,6, -3,5)
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[1] Étude 1: estimation basée sur une analyse de covariance ajustée sur la valeur avant traitement; études 2 à 4: estimation basée sur une analyse de covariance ajustée sur la valeur avant traitement et les facteurs de stratification de la randomisation. L'analyse incluait tous les patients randomisés et traités. Les données manquantes ont été remplacées par les dernières valeurs disponibles d'un sujet. Lors de l'étude 1, un des sujets sous Xiidra pour lequel on n'avait pas de valeur avant traitement a été exclu de l'analyse.
Effets sur les signes du DED
Lors de chaque visite de l'étude, le score de coloration cornéenne inférieure à la fluorescéine (ICSS - Inferior Corneal Staining Score) a été enregistré avec les valeurs de l'échelle (0 = absence de coloration, 1 = lésions ponctuées rares/peu nombreuses, 2 = lésions individuelles et dénombrables, 3 = lésions trop nombreuses pour être dénombrées, mais non coalescentes, 4 = lésions coalescentes). Le score moyen avant traitement était d'environ 1,8 chez les participants des études 1 et 2, et de 2,4 dans les études 3 et 4. Il a été observé une réduction du score ICSS plus marquée sous Xiidra au 84e jour dans trois des quatre études (voir tableau 2).
Tableau 2: Score de coloration cornéenne inférieure - variation moyenne par rapport à la valeur initiale et différence entre les traitements (Xiidra vs véhicule) lors des études de 12 semaines menées chez des patients souffrant du syndrome de l'œil sec.
Étude 1
Visite
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Véhicule (N = 58)
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Xiidra (N = 58)
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Différence [1] (IC 95%)
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Valeur initiale
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1,65 (0,513)
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1,77 (0,515)
|
|
←En faveur de Xiidra
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14e jour
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0,24 (0,709)
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0,06 (0,522)
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-0,14 (-0,36, 0,08)
|
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42e jour
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0,19 (0,694)
|
0,08 (0,591)
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-0,05 (-0,28, 0,17)
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84e jour
|
0,38 (0,785)
|
0,04 (0,745)
|
-0,25 (-0,50, -0,00)
|
Étude 2
Visite
|
Véhicule (N = 295)
|
Xiidra (N = 293)
|
Différence [1] (IC 95%)
|
|
Valeur initiale
|
1,81 (0,599)
|
1,84 (0,597)
|
|
←En faveur de Xiidra
|
14e jour
|
0,08 (0,771)
|
0,04 (0,734)
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-0,03 (-0,14, 0,08)
|
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42e jour
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-0,02 (0,893)
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-0,14 (0,861)
|
-0,10 (-0,23, 0,02)
|
84e jour
|
0,17 (0,819)
|
-0,07 (0,868)
|
-0,23 (-0,36, -0,10)
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Étude 3
Visite
|
Véhicule (N = 360)
|
Xiidra (N = 358)
|
Différence [1] (IC 95%)
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|
Valeur initiale
|
2,40 (0,722)
|
2,39 (0,763)
|
|
←En faveur de Xiidra
|
14e jour
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-0,48 (0,798)
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-0,48 (0,802)
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-0,00 (-0,11, 0,11)
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42e jour
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-0,60 (0,899)
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-0,69 (0,918)
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-0,09 (-0,22, 0,04)
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84e jour
|
-0,71 (0,943)
|
-0,73 (0,926)
|
-0,03 (-0,16, 0,10)
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Étude 4
Visite
|
Véhicule (N = 356)
|
Xiidra (N = 355)
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Différence [1] (IC 95%)
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|
Valeur initiale
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2,46 (0,746)
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2,46 (0,681)
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|
←En faveur de Xiidra
|
14e jour
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-0,44 (0,775)
|
-0,49(0,914)
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-0,05 (-0,17, 0,07)
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42e jour
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-0,66 (0,927)
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-0,69 (0,941)
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-0,03 (-0,16, -0,1)
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84e jour
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-0,63 (0,911)
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-0,80 (0,939)
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-0,17 (-0,30, -0,03)
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[1] Étude 1: estimation basée sur une analyse de covariance ajustée sur la valeur avant traitement; études 2 à 4: estimation basée sur une analyse de covariance ajustée sur la valeur avant traitement et les facteurs de stratification de la randomisation. L'analyse incluait tous les patients randomisés et traités. Les données manquantes ont été remplacées par les dernières valeurs disponibles. Lors de l'étude 2, un des patients traités par le véhicule seul dont l'œil à l'étude n'avait pas été désigné a été exclu de l'analyse.
Analyse de sous-groupe de l'étude 4 pertinente pour l'indication
L'étude 4 incluait 390 sujets (195 par bras de traitement) chez lesquels on a mis en évidence des symptômes et signes de DED (valeurs initiales des scores: EDS ≥60 et ICSS >1,5). On a relevé dans ce sous-groupe une différence entre les sujets traités par lifitegrast et ceux traités par le véhicule seul: 42,6% contre 29,2% des patients (p=0,0061) ont atteint les deux critères de signification clinique retenus (amélioration ≥30% pour le score EDS et 1 point d'amélioration pour le score ICSS).
Étude de sécurité
La sécurité de Xiidra en application biquotidienne a été évaluée chez 332 sujets atteints de sécheresse oculaire dans le cadre d'une étude randomisée contrôlée contre le véhicule seul et réalisée en double aveugle sur une période d'un an (définie comme ≥355 jours). Les sujets ont été randomisés de 2:1 dans un bras avec le lifitegrast à 5% (n = 221) et un bras avec le véhicule seul (n = 111). Après le 14e jour, les participants étaient autorisés à utiliser des substituts lacrymaux, des antihistaminiques topiques (administrés par voie oculaire/nasale), des corticoïdes et des stabilisateurs de mastocytes. Le profil de sécurité du lifitegrast à 5% observé au cours de la période d'un an était comparable à celui relevé lors des études réalisées sur 12 semaines sur le syndrome de l'œil sec.
Le nombre de sujets traités qui ont déclaré avoir utilisé des substituts lacrymaux pendant la période d'étude d'une année était plus faible dans le bras lifitegrast par rapport au véhicule seul: 64 sur 195 patients (32,8%) contre 43 sur 98 patients (43,9%).
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