Propriétés/EffetsCode ATC
L01XK04
Mécanisme d'action
Le talazoparib est un puissant inhibiteur des enzymes PARP, PARP1 et PARP2. Les enzymes PARP sont impliquées dans les voies de signalisation de réponse aux lésions de l'ADN cellulaire, p.ex. comme la réparation de l'ADN, la transcription génique, la régulation du cycle cellulaire et la mort cellulaire. Les inhibiteurs de PARP (PARPi) exercent des effets cytotoxiques sur les cellules cancéreuses grâce à 2 mécanismes: l'inhibition de l'activité catalytique des PARP et l'accumulation de PARP («PARP-Trapping» ou piégage de PARP), par laquelle la protéine PARP, liée à un PARPi, ne se dissocie plus facilement d'une lésion de l'ADN, ce qui empêche la réparation, la réplication et la transcription de l'ADN, entraînant ainsi l'apoptose et/ou la mort cellulaire.
Pharmacodynamique
Le traitement de lignées de cellules cancéreuses présentant des anomalies de gènes de réparation de l'ADN par le talazoparib en monothérapie entraîne une augmentation du nombre de cassures de l'ADN double brin, de l'expression de γH2AX et de l'apoptose, couplée à une diminution de la prolifération cellulaire. La forte cytotoxicité observée en lien avec le talazoparib contre de multiples lignées cellulaires tumorales avec des mutations dans les voies de signalisation de la réponse aux lésions de l'ADN (voies de signalisation DDR) peut être attribuée à son inhibition de l'activité catalytique des PARP et à son solide piégeage de PARP. L'activité anti-tumorale du talazoparib a aussi été observée dans un modèle de xénogreffe du cancer du sein avec BRCA muté dérivé de patient (patient-derived xenograft, PDX) dans lequel le patient avait précédemment reçu un traitement à base de platine, ainsi que dans un modèle de xénogreffe du cancer de la prostate à récepteur aux androgènes (RA) positif. Dans ces modèles, le talazoparib a réduit la croissance tumorale et a augmenté la concentration de γH2AX et l'apoptose dans les tumeurs.
Les effets anti-tumoraux de l'inhibition combinée de l'activité PARP et RA reposent sur les mécanismes suivants: l'inhibition de la signalisation du RA supprime l'expression des gènes de réparation par recombinaison homologue (RRH), notamment BRCA1, ce qui entraîne une sensibilité à l'inhibition de PARP. Il a été démontré que l'activité de PARP1 était nécessaire à la fonction optimale du RA et que l'inhibition de PARP pouvait donc réduire la signalisation du RA et augmenter la sensibilité aux inhibiteurs de la signalisation du RA. La résistance clinique au blocage du RA est parfois associée à la codélétion de RB1 et BRCA2, qui est à son tour associée à la sensibilité à l'inhibition de PARP.
Electrocardiographie
L'effet du talazoparib sur la repolarisation cardiaque a été évalué à l'aide d'électrocardiogrammes (ECG) appariés dans le temps pour étudier la relation entre la modification de l'intervalle QT corrigé en fonction de la fréquence cardiaque (QTc) par rapport à la ligne de base, et les concentrations plasmatiques correspondantes de talazoparib chez 37 patients présentant des tumeurs solides à un stade avancé. Le talazoparib n'a pas eu d'effet cliniquement pertinent sur l'allongement de l'intervalle QTc à la dose cliniquement recommandée maximale de 1 mg une fois par jour.
Efficacité clinique
Traitement du cancer du sein localement avancé ou métastatique HER2 négatif avec gBRCAm
Etude de phase III randomisée C3441009 (EMBRACA)
L'utilisation de talazoparib a été comparée à une chimiothérapie (capécitabine, éribuline, gemcitabine, vinorelbine) dans une étude ouverte, randomisée, parallèle, à 2 bras, multicentrique (étude 1009) chez des patients atteints d'un cancer du sein localement avancé ou métastatique HER2 négatif avec mutations germinales BRCA, ayant reçu au maximum 3 protocoles de chimiothérapie cytotoxique antérieurs pour le traitement de leur cancer localement avancé ou métastatique.
Les patients devaient avoir préalablement reçu un traitement par une anthracycline et/ou un taxane. Les patients ayant déjà reçu un traitement à base de platine contre un cancer avancé devaient n'avoir présenté aucun signe de progression de la maladie pendant le traitement à base de platine, ni aucune récidive précoce (<6 mois) dans le cas d'un traitement néoadjuvant ou adjuvant. Aucun traitement antérieur par un inhibiteur de PARP n'était autorisé.
Au total, 431 patients ont été randomisés suivant un ratio de 2:1 pour recevoir le talazoparib (n=287) ou une chimiothérapie (n=144). Les patients ont été stratifiés selon le nombre de chimiothérapies cytotoxiques antérieures (0 versus 1, 2 ou 3), selon le «statut triple négatif» du cancer (cancer du sein triple négatif [CSTN] vs non-[CSTN]) et selon les métastases du système nerveux central (oui vs non). Les caractéristiques à la ligne de base étaient globalement comparables dans les deux groupes. L'âge médian était de 45 ans (intervalle de 27 à 84 ans, 63% <50 ans, 9% ≥65 ans) dans le groupe talazoparib et de 50 ans (intervalle de 24 à 88 ans, 47% <50 ans, 7% ≥65 ans) dans le groupe sous chimiothérapie. La majorité des patients du groupe talazoparib et du groupe chimiothérapie étaient blancs (66.9% et 75.0%, respectivement) et de sexe féminin (99% et 98%, respectivement). Au total, sept patients (4 [1.7%] dans le groupe talazoparib et 3 [2.1%] dans le groupe chimiothérapie) étaient de sexe masculin. Lors de l'inclusion dans l'étude, l'indice de performance ECOG était de 0 ou 1 chez 97.7% des patients. Environ 55.9% des patients présentaient un cancer positif aux récepteurs hormonaux (soit positif aux récepteurs d'œstrogènes [ER positif] soit aux récepteurs de progestérone [PgR positif]); 44.1% des patients présentaient un CSTN. 38.3% des patients n'avaient pas reçu de traitement préalable d'un cancer avancé ou métastatique, 37.4% avaient reçu 1, 19.7% avaient reçu 2 et 4.6% avaient reçu >3 protocoles de traitement antérieurs. 76 des patients avaient reçu un traitement préalable à base de platine. Au total, 88% des patients atteints d'un cancer positif aux récepteurs hormonaux avaient reçu un traitement endocrinien antérieur; dans le groupe des patients à un stade avancé de la maladie, 58.5% avaient reçu un traitement endocrinien antérieur.
Le critère d'évaluation primaire de l'efficacité était la survie sans progression (Progression Free Survival, PFS) selon les critères RECIST (Response Evaluation Criteria In Solid Tumours, critères d'évaluation de la réponse des tumeurs solides), déterminée par un examen central indépendant en aveugle (blinded independent central review, BICR). Les critères d'évaluation secondaires comprenaient, entre autres, le taux de réponse objective (Objective Response Rate, ORR), la survie globale (Overall Survival, OS) et la durée de la réponse (Duration of Response, DR).
En ce qui concerne le critère d'évaluation primaire, à savoir la PFS, le talazoparib a présenté un avantage significatif par rapport au groupe de comparaison, avec une PFS médiane de 8.6 mois (IC à 95%: 7.2, 9.3) vs 5.6 mois (IC à 95%: 4.2, 6.7) (HR=0.54, IC à 95%: 0.41, 0.71; p<0.0001). Les analyses de sous-groupes concernant la PFS en comparaison avec la chimiothérapie ont penché de manière générale en faveur du talazoparib. Il s'agissait notamment d'analyses de sous-groupes pour les facteurs de stratification prédéfinis suivants: nombre de chimiothérapies cytotoxiques antérieures, «statut triple négatif» et antécédent de métastases dans le système nerveux central. Parmi les 76 patients traités précédemment par des platines, une réponse différente au talazoparib a été observée (HR 0.76, IC à 95%: 0.40-1.45) par rapport aux patients sans traitement antérieur par des platines (HR 0.52, IC à 95%: 0.39-0.71).
L'ORR était de 62.6% dans le groupe talazoparib contre 27.2% dans le groupe de comparaison; la durée de réponse médiane était de 5.4 mois dans le groupe talazoparib contre 3.1 mois dans le groupe sous chimiothérapie.
Dans l'analyse finale de l'OS avec un suivi médian de 45 mois dans le groupe talazoparib, l'OS médiane était de 19.3 mois dans le groupe talazoparib contre 19.5 mois dans le groupe sous chimiothérapie (HR=0.85, IC à 95%: 0.67, 1.07).
Traitement du cancer de la prostate métastatique résistant à la castration (mCRPC)
Étude TALAPRO-2
L'étude TALAPRO-2 était une étude randomisée, en double aveugle, contrôlée contre placebo, au cours de laquelle des patients (n=1'035) atteints de mCRPC (dont n=399 de mCRPC avec mutation des gènes HRR [HRRm]) ont été randomisés selon un rapport de 1:1 pour recevoir un traitement par 0.5 mg de talazoparib une fois par jour en association avec 160 mg d'enzalutamide une fois par jour, versus un bras comparateur recevant un placebo en association avec l'enzalutamide 160 mg une fois par jour. Tous les patients avaient reçu un analogue de la GnRH ou avaient subi une orchidectomie bilatérale antérieure et devaient avoir présenté une progression de la maladie lors d'un traitement par déprivation androgénique, définie comme une progression du PSA et/ou une progression de l'atteinte des tissus mous selon RECIST 1.1 et/ou une progression de la maladie osseuse selon les critères PCWG3. Un traitement antérieur par abiratérone ou chimiothérapie à base de taxane pour un cancer de la prostate métastatique sensible à la castration (mCPSC) était autorisé.
Les patients HRRm devaient présenter une mutation sur au moins un des 12 gènes impliqués dans la voie de signalisation HRR (ATM, ATR, BRCA1, BRCA2, CDK12, CHEK2, FANCA, MLH1, MRE11A, NBN, PALB2 ou RAD51C), déterminée prospectivement par séquençage de nouvelle génération du tissu tumoral à l'aide du test FoundationOne® CDx ou de l'ADN tumoral circulant (ctDNA) à l'aide du test FoundationOne Liquid® CDx. La randomisation a été stratifiée en fonction d'un traitement antérieur par abiratérone ou d'une chimiothérapie à base de taxane en comparaison de l'absence d'un tel traitement antérieur.
L'âge médian dans la population HRRm était de 70 ans (intervalle de 41 à 90 ans) dans les deux groupes. 68% des participants étaient blancs, 21% asiatiques et 3% noirs. La plupart des participants (62%) dans les deux groupes avaient un statut de performance ECOG de 0. Chez les patients traités par le talazoparib, la proportion de patients présentant une maladie mesurable à l'inclusion selon les critères RECIST 1.1, selon BICR, était de 35%. 37% des patients avaient reçu un traitement antérieur par abiratérone ou une chimiothérapie à base de taxane. Tous les patients (100%) avaient des tumeurs présentant des mutations des gènes de HRR.
Le critère d'efficacité primaire était la survie sans progression radiographique (rPFS) évaluée selon les critères RECIST version 1.1 et Prostate Cancer Clinical Trials Working Group Criteria 3 (PCWG3, os), tels qu'évalués selon BICR. L'OS était un critère d'évaluation secondaire avec contrôle du risque alpha.
Une amélioration statistiquement significative de la rPFS selon BICR a été démontrée pour le talazoparib en association avec l'enzalutamide en comparaison du placebo en association avec l'enzalutamide. Les données d'OS n'étaient pas encore matures au moment de l'analyse finale de la rPFS.
Les résultats d'efficacité de l'étude TALAPRO-2 en présence d'un mCRPC HRRm sont résumés dans le Tableau 4.
Tableau 4. Résumé des résultats d'efficacité – TALAPRO-2 (CPRCm HRRm)*
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Talazoparib + enzalutamide
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Placebo + enzalutamide
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rPFS selon BICR
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n=200
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n=199
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Événements, nombre (%)
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66 (33.0)
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104 (52.3)
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Médiane en mois (IC à 95%)
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NR (21.9, NR)
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13.8 (11.0, 16.7)
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Hazard ratio (IC à 95%)a Valeur de pb
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0.447 (0.328, 0.610) p<0.0001
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Analyse intermédiaire OS
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Événements, nombre (%)
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43 (21.5)
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53 (26.6)
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Médiane en mois (IC à 95%)
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NR (36.4, NR)
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33.7 (27.6, NR)
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Hazard ratio (IC à 95%)a
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0.687 (0.458, 10.31)
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Abréviations: BICR = revue centralisée indépendante en aveugle (blinded independent central review); IC = intervalle de confiance; CRPC = cancer de la prostate sensible à la castration (castrationresistant prostate cancer); HRR = réparation par recombinaison homologue; ITT = en intention de traitement (Intent-to-Treat); n = nombre de patients; NHT = hormonothérapie de nouvelle génération; NR = non atteint (not reached); rPFS = survie sans progression radiographique (radiographic progression-free survival). * La rPFS et l'OS intermédiaire sont basées sur la date de gel des données du 3 octobre 2022 et un suivi médian pour la rPFS de 17.5 mois (IC à 95%: 16.5; 19.5) dans le bras talazoparib plus enzalutamide et de 16.8 mois (IC à 95%: 13.9; 19.9) dans le bras placebo plus enzalutamide, et un suivi médian de l'OS de 22.2 mois (IC à 95%: 19.4; 23.0) dans le bras talazoparib plus enzalutamide et de 20.2 mois (IC à 95%: 17.3; 22.0) dans le bras placebo plus enzalutamide. a Hazard Ratio basé sur le modèle des risques proportionnels de Cox, stratifié en fonction d'un traitement antérieur par NHT (abiratérone) ou d'une chimiothérapie à base de taxane pour le CRPC (oui versus non), avec une valeur <1 étant en faveur du talazoparib. b. Valeurs de p (unilatérales) du test du log-rank stratifié en fonction d'un traitement antérieur par NHT (abiratérone) ou d'une chimiothérapie à base de taxane pour le CRPC.
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Sécurité et efficacité chez les patients âgés
Sur les 494 patients qui ont reçu du talazoparib, 85 (17.2%) étaient âgés de ≥65 ans. En général, aucune différence n'a été observée entre ces patients et les patients plus jeunes quant à la sécurité ou l'efficacité du talazoparib, mais on ne peut exclure une sensibilité plus élevée chez certains patients âgés.
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