Propriétés/EffetsCode ATC
L01EL05
Mécanisme d'action
Le pirtobrutinib est un inhibiteur non covalent réversible de la tyrosine kinase de Bruton (BTK). La BTK est une protéine de signalisation des voies du récepteur antigénique des cellules B (BCR) et du récepteur des cytokines. Dans les cellules B, la signalisation induite par la BTK entraîne l'activation des voies nécessaires à la prolifération, au transport, au chimiotactisme et à l'adhésion des cellules B. Le pirtobrutinib se lie à la BTK de type sauvage ainsi qu'à la BTK porteuse de mutations C481, ce qui entraîne une inhibition de l'activité kinase de la BTK. Dans des études non cliniques, le pirtobrutinib a inhibé l'expression de CD69 des cellules B passant par la BTK et la prolifération de cellules B malignes. Le pirtobrutinib a démontré une inhibition dose-dépendante de la croissance tumorale et a induit une régression de la tumeur dans des modèles de xénogreffes de souris avec BTK de type sauvage et BTK porteuse de la mutation C481S.
Pharmacodynamique
Au dosage recommandé de 200 mg une fois par jour, les valeurs minimales de la concentration de pirtobrutinib étaient plus élevées que la BTK-CI96. Le taux d'occupation de BTK s'est maintenu pendant l'intervalle de dosage, indépendamment du taux intrinsèque de turnover de BTK.
Electrophysiologie cardiaque
L'effet d'une dose unique de 900 mg de pirtobrutinib sur l'intervalle QTc a été évalué dans une étude versus placebo et témoins positifs chez 30 sujets sains. La dose choisie est équivalente à une concentration approximativement 2 fois supérieure aux concentrations atteintes au steady-state à la posologie recommandée de 200 mg une fois par jour. Le pirtobrutinib n'a pas eu d'effet cliniquement significatif sur la modification de l'intervalle QTcF (c.-à-d. >10 ms). Il n'a été observé aucune relation entre l'exposition au pirtobrutinib et la modification de l'intervalle QTc.
Efficacité clinique
Lymphome à cellules du manteau
L'efficacité de Jaypirca chez des patients atteints de LCM a été examinée dans l'étude BRUIN [NCT03740529], une étude ouverte internationale à un seul bras sur Jaypirca en monothérapie. L'efficacité était basée sur 120 patients atteints de LCM qui avaient reçu précédemment un inhibiteur de BTK et qui étaient traités avec Jaypirca. Jaypirca a été administré par voie orale à un dosage de 200 mg une fois par jour et poursuivi jusqu'à une progression de la maladie ou jusqu'à la survenue d'une toxicité inacceptable. Les patients atteints de lymphome avec participation active du système nerveux central ou avec une transplantation allogénique de cellules souches hématopoïétiques (HSCT) ou ayant reçu une thérapie cellulaire CAR-T dans les 60 jours ont été exclus.
L'âge médian était de 71 ans (fourchette: de 46 à 88 ans); 79% étaient des hommes; 78% étaient caucasiens, 14% asiatiques, 1.7% noirs ou afro-américains. 78% avaient le variant classique/leucémique du LCM, 12% un LCM pléïomorphe et 11% un LCM blastoïde. Le score International Prognostic Index simplifié (sMIPI) était bas chez 15% des patients, chez 59% il était dans la moyenne et il était élevé chez 26% des patients. Les patients avaient reçu précédemment une médiane de 3 lignes thérapeutiques (fourchette: de 1 à 9), 93% avaient reçu précédemment 2 lignes ou davantage. Tous avaient reçu précédemment 1 ou plusieurs lignes avec un inhibiteur de BTK; au nombre des traitements précédents figuraient une chimio-immunothérapie chez 88%, une HSCT chez 20%, le lénalidomide chez 18% et un traitement de CAR-T- chez 9% des patients. Les inhibiteurs de BTK le plus fréquemment reçus précédemment étaient l'ibrutinib (67%), l'acalabrutinib (30%) et le zanubrutinib (8%); 83% des patients avaient arrêté le dernier inhibiteur de BTK à cause du caractère réfractaire de la maladie ou à cause d'une progression, 10% en raison d'une toxicité et 5% pour d'autres raisons.
L'efficacité était basée sur l'évaluation de la réponse globale (overall response rate, ORR) et de la durée de la réponse (duration of response, DOR), et elle a été évaluée par un Independent Review-Comitee (IRC) à l'aide des critères de Lugano 2014.
Chez 120 patients pouvant être évalués pour l'efficacité, l'ORR était de 50%, (IC à 95%: 41, 59), y compris 13% de patients avec une réponse complète (complete response, CR).
Le temps écoulé jusqu'à la réponse a été de 1.8 mois (IC à 95%: 0.8, 4.2) et la durée de la réponse a été de 8.3 mois (IC à 95%: 5.7, NE).
En outre, l'évaluation de Kaplan-Meier pour le taux de DOR au bout de 6 mois a été de 65.3% (IC à 95%: 49.8, 77.1).
Leucémie lymphoïde chronique
L'efficacité de Jaypirca chez 189 patients qui avaient reçu auparavant au moins deux lignes de traitement, y compris avec un inhibiteur de BTK, a été examinée dans une étude multicentrique internationale ouverte, randomisée, contrôlée avec un comparateur actif (BRUIN CLL-321, étude 20020). Les patients ont été randomisés dans un rapport de 1:1 pour recevoir soit Jaypirca une fois par jour par voie orale à une dose de 200 mg jusqu'à une progression ou une toxicité inacceptable soit, dans le bras témoin, l'une des deux options thérapeutiques suivantes, au choix du médecin de l'étude:
·Idelalisib plus un produit rituximab (IR): idélalisib 150 mg deux fois par jour par voie orale jusqu'à une progression ou à une toxicité inacceptable, en association avec 8 perfusions d'un produit rituximab (375 mg/m2 par voie intraveineuse le jour 1 du cycle 1, suivis de 500 mg/m2 toutes les 2 semaines pour 4 administrations, puis toutes les 4 semaines pour 3 administrations), avec un cycle de 28 jours.
·Bendamustine plus un produit rituximab (BR): bendamustine 70 mg/m2 par voie intraveineuse (jours 1 et 2 d'un cycle de 28 jours), en association avec un produit rituximab (375 mg/m2 par voie intraveineuse le jour 1 du cycle 1, suivis de 500 mg/m2 le jour 1 des cycles suivants), sur une période allant jusqu'à 6 cycles.
L'étude a exclus des patients présentant une transformation de Richter connue ou suspectée, une atteinte active du système nerveux central (SNC) par un lymphome, une affection cardiovasculaire significative, y compris des arythmies non contrôlées ou symptomatiques, de grave saignement lors d'un traitement antérieur avec un inhibiteur covalent de BTK, une pneumonite induite par un médicament, une atteinte hépatique induite par un médicament, une cirrhose hépatique et/ou des obstructions extra-hépatiques, des infections actives (hépatite B ou C, CMV, VIH ou autres infections cliniquement pertinantes), ayant subit une transplantation, allogènique ou autologue, de cellules souches ou une thérapie CAR-T au cours des 60 derniers jours, ou une vaccination avec un vaccin vivant au cours des 28 derniers jours.
La randomisation était stratifiée en fonction du status de la délétion 17p (Oui/Non) et d'un précédent traitement par venetoclax (Oui/Non).
Sur les 189 patients au total, 98 se sont vu assigner une monothérapie de Jaypirca, 64 ont reçu IR et 27 ont reçu BR. Après confirmation de la progression, les patients randomisés sous IR ou BR ont eu la possibilité de passer à la monothérapie de Jaypirca (cross-over).
L'âge médian était de 67 ans (intervalle: de 42 à 90 ans), 69% étaient des hommes et 83% étaient caucasiens. L'ECOG-Performance-Status au début était de 0 ou 1 chez 95% des patients, 50% des patients avaient un stade RAI de III ou IV. 46% (87 patients sur 189) avaient une délétion 17p et/ou une mutation TP53, 72% (137 patients sur 189) avaient un IGHV non muté et 45% (85 sur 189) avaient un caryotype complexe.
Les patients avaient reçu auparavant un nombre médian de 3 lignes de traitement (intervalle: de 2 à 13), 71% avaient reçu auparavant au moins 3 lignes de traitement et 63% avaient reçu auparavant un inhibiteur de BCL2. Les inhibiteurs de BTK le plus fréquemment utilisés auparavant étaient l'ibrutinib (89%), l'acalabrutinib (16%) et le zanubrutinib (7%). 74% des patients avaient interrompu la prise du dernier inhibiteur de BTK en raison d'une maladie réfractaire ou d'une progression de la maladie, 16% en raison d'une toxicité et 10% pour des motifs autres/manquants. L'efficacité était basée sur la PFS, évaluée par un comité indépendant (IRC). Le Tableau 5 présente les résultats d'efficacité pour les 189 patients qui avaient reçu auparavant au moins deux lignes de traitement, y compris un inhibiteur de BTK, après une période d'observation médiane de 19.4 mois (intervalle: de 0.03 à 33.3 mois) pour le pirtobrutinib et de 17.7 mois (intervalle: de 0.03 à 25.0 mois) dans le bras témoin.Tableau 5: Résultats d'efficacité selon l'IRC pour les patients atteints de LLC qui ont reçu auparavant au moins deux lignes de traitement, y compris un inhibiteur de BTK (étude 20020), Cut-off: août 2024
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Pirtobrutinib 200 mg une fois par jour (N=98)
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Idélalisib plus rituximab ou bendamustine plus rituximab selon le choix du médecin de l'étude (N=91)
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Survie sans progression (PFS)a
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Nombre d'événements, n
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64 (65%)
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66 (72%)
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Progression
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53 (54%)
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54 (59%)
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Mort
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11 (11%)
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12 (13%)
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PFS médiane (IC à 95%), moisb
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13.9 (11.1, 16.5)
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8.3 (5.8, 9.0)
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HR (IC à 95%) c
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0.45 (0.31, 0.65)
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IC, intervalle de confiance; HR, Hazard ratio.
a Évaluation de l'efficacité au moyen de l'application des directives 2018-iwCLL (International Workshop for Chronic Lymphocytic Leukemia guidelines 2018)
b Sur la base d'une estimation de Kaplan-Meier.
c Sur la base d'un modèle stratifié à risque proportionnel de Cox.
Sur les 189 patients et pour une durée médiane d'observation pour la survie (overall survival, OS) de 20.5 mois pour le pirtobrutinib et de 19.2 mois dans le bras témoin, 33 patients (33.7%) sont morts avec le pirtobrutinib et 29 patients (31.9%) dans le bras témoin. L'OS médiane a été de 29.7 mois (IC à 95%: 26.3, NE) pour le pirtobrutinib et elle n'a pas été atteinte dans le bras témoin. Le HR a été de 1.021 (IC à 95%: 0.618, 1.688).
L'évaluation de l'OS pourrait être faussée par 41 patients sur 91 qui ont passé du bras témoin au pirtobrutinib (cross-over). En outre, la Figure 1 montre l'OS pour les deux options thérapeutiques du bras témoin (IR et BR) séparément.
Figure 1: Courbe de Kaplan-Meier pour l'OS chez des patients atteints de LLC ayant reçu auparavant un traitement avec au moins deux lignes de traitement, y compris un inhibiteur de BTK – étude 20020, Cut-off: août 2024

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